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4 février 06

Garfielddgate, protalgate : l'indignation.

Le ministre a parlé : la révocation de Garfieldd est commutée en une suspension d’un an dont six mois avec sursis. C’est-à-dire qu’il passe d’une sanction du quatrième groupe—celui des plus sévères—au troisième groupe. Garfieldd restera sans salaire jusqu’au mois d’août et sera, on peut l’espérer, réaffecté à la rentrée.

La décision de M. de Robien intervient après un délai raisonnable et, vu le flou qui entoure les obligations des fonctionnaires, a le mérite d’être claire :

  1. Après mûre réflexion, le ministre réagit, certes, à la tollé qu’a suscitée la sanction initiale, mais sans revenir sur caractère sévère de cette sanction. Il ne désavoue pas la commission nationale paritaire.
  2. Après mûre réflexion, le ministre considère qu’un membre du personnel d’encadrement à l’Éducation nationale n’a pas le droit de publier, sous pseudonyme, des « textes érotiques et photos suggestives » (cf. Laurent), du moins pas quand le recueil contient également des références à son travail.
  3. Après mûre réflexion, le ministre décide qu’une telle transgression est une faute suffisamment grave pour qu’une sanction lourde s’impose, même en l’absence de condamnation pénale.

Je ne me joins pas à l’appel d’Eolas de « remiser les armes » :

[I]l est parfaitement admissible que pour un proviseur, publier des textes parlant crûment (sans être vulgaire ou pornographique) de sa sexualité, et une photographie de lui dans sa tenue de naissance, soit sanctionnable. Un proviseur est un haut cadre de l’éducation nationale. Il est le chef de son établissement, le représentant de l’autorité de l’État.

Certes, Garfieldd ne fera pas appel de cette décision devant le Tribunal administratif (toujours selon Laurent), et il va de soi qu’on respecte son désir de ne pas être une icône d’une lutte qui va jusqu’au bout.

Or, la question de la liberté d’expression des fonctionnaires reste grande ouverte, et la sanction prise à l’encontre de Garfieldd jette toujours un froid sur les aspirations blogueuses de tous les profs, agents de police, magistrats, agents ANPE et que sais-je encore. Au-delà, il reste cas plus général (et la cause plus grande) des libertés dans l’espace numériques de tous, mais penchons-nous une minute de plus sur celui des fonctionnaires.

Car si la réflexion d’Eolas représente l’attitude de l’État, je suis toujours indignée. Il est inadmissible d’interdire d’évoquer qu’on possède un corps et des désirs, d’exiger qu’on cache le fait que la sexualité existe et fait partie d’un être humain complet et épanoui. Au grand minimum, que l’État nous en énumère des critères précis. Je ne saurais mieux le dire que Laurent :

Que recouvre l’obligation de réserve pour le personnel enseignant aujourd’hui ? Quelles sont précisément les limites de l’obligation de discrétion professionnelle ? Que veut dire l’obligation de moralité ? Des textes hors-d’âge et quantité de questions sans réponses pratiques pour tant de fonctionnaires qui veulent vivre avec leur temps.

Un défi : cherchons des exemples de textes érotiques et d’œuvres suggestives des grands écrivains et artistes français qui occupèrent des postes à l’Éducation nationale. À commencer par Georges Bataille (le lien va vers un site gouvernemental) et Simone de Beauvoir, dont les écrits firent scandale à l’époque. À quand les sanctions pour la publication d’extraits du Petit Larousse centenaire, du Littré, du dictionnaire de Boiste de 1812 ?

(Les dessous—oups !—du problème sont abordés, pour les aspects juridiques et réglementaires, dans les excellents billets de Megathud ! et de Vagabondages. Ils ont tous les deux nourri ma réflexion.)

 

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